Rencontre avec Eric Ripert, le chef français triplement étoilé du Bernardin, à New York, lors du palmarès de « La Liste », classement des 1 000 meilleurs restaurants du monde.
2e ex-aequo avec le japonais Kyubey, ça méritait le voyage depuis New York ?
Oui, c'était important d'être ici, au Quai d'Orsay, pour soutenir La Liste de Philippe Faure, qui est dédiée à la promotion de la gastronomie française dans le monde. Elle ne fait pas concurrence au Michelin, ni aux 50 Best. Ce petit nouveau qui vient d'arriver permet à tout le monde d'avoir sa voix au chapitre, car son classement est basé sur un algorithme de 500 avis de clients différents.
Vous avez plus peur d'une critique dans le New York Times ou sur le Michelin ?
Les deux sont importants, et chacun paie ses additions. Le New York Times est très respecté aux Etats-Unis, et le Michelin nous récompense de 3 étoiles depuis 10 ans pour le travail qu'on fait au Bernardin, où je suis associé avec Maguy Le Coze.
Pourquoi n’avoir jamais ouvert d’autres restaurants ?
J'ai essayé à Grand Cayman et à Philadelphie, mais ça ne m'a pas plu. J'y ai perdu ma créativité en pensant au développement, et je me suis dispersé dans des problèmes de salles, de fournisseurs et de comptabilité. Je n'ai pas d'égo par rapport à ça. Ouvrir un restaurant à Paris et prendre l'avion une fois par mois pour superviser une brigade que je ne connais pas, ça ne marcherait pas. Moi, je ne fais pas de business, je fais de la cuisine.
Est-ce facile de faire de la cuisine française aux Etats-Unis ?
Oui, les Américains sont devenus experts en gastronomie. Pourtant, la cuisine française est un peu moins à la mode en ce moment, à Manhattan, même si les restaurants tricolores sont toujours pleins. Chez nous, il faut un mois pour avoir une table car nous sommes considérés comme le meilleur restaurant de poissons du pays, avec un prix moyen est de 135 € à midi et 220 € le soir.
Il faut sortir des clichés sur la gastronomie et les Américains.
Eric Ripert
C’est quoi le goût américain ?
Ça n'existe pas, il faut sortir des clichés trop faciles. Chaque région a ses spécialités, son propre terroir, il n'y a pas une cuisine américaine uniforme. Par exemple, Washington DC est orienté vers les saveurs marines alors que la Californie est axée sur les beaux produits grâce à sa terre très fertile et son climat ensoleillé. Et le label bio est un argument très important aux Etats-Unis.
Etre chef et beau garçon, c’est utile ?
C'est bon pour la télé, mais ça n'aide pas en cuisine ! Mon équipe veut juste savoir comment faire pour confectionner un croissant, une sauce hollandaise, et bien enlever les arêtes dans un filet de poisson. Je préfère vous parler de la Légion d'Honneur qui m'a été décernée au consulat français de New York par le collectionneur d'art Daniel Wildenstein, c'est une vraie fierté pour moi.
Quel est le concept de votre émission télé, « Avec Eric », sur la chaîne publique PBS ?
L'idée, c'est d'aller à la source du produit pour trouver une source d'inspiration. On a gagné 2 Emmy Awards malgré mon accent français très prononcé. Par exemple, on commence à tourner dans la cuisine du Bernardin avant d'aller visiter un ostréiculteur japonais. C'est très interactif…
Eric Ripert en dates
A 52 ans, le chef s'est forgé un beau parcours professionnel. Cet Antibois entre à l'Ecole Hôtelière de Perpignan avant de rejoindre la Tour d'Argent puis Joël Robuchon. En 1989, il tente l'aventure américaine en travaillant pour Jean-Louis Paladin, précurseur des grands cuisiniers français outre-Atlantique. Et c'est en 1994 qu'il reprend les rênes de Gilbert Le Coze, au Bernardin, pour en faire le meilleur restaurant de poissons des Etats-Unis. Depuis, il croûle sous les récompenses…
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