Entretien avec Alain Passard, le seul chef 3 étoiles 100 % bio

Henri Yadan 16 nov 2016
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Précurseur des tendances vegan et bio, Alain Passard, le chef triplement étoilé célèbre les 30 ans de son restaurant parisien, l’Arpège. Il fait école et sa cuisine se bonifie encore ! 

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Entretien avec Alain Passard, le seul chef 3 étoiles 100 % bio
Amoureux des légumes, le chef multi étoilé de l'Arpège s'est offert 3 potagers, dans la Sarthe, pour garnir ses assiettes. © Pauline Le Goff
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Avoir 3 étoiles au Michelin depuis vingt ans, ce n’est pas trop lourd à porter ?

Bien au contraire ! Loin d’être un fardeau, c’est un cadeau du ciel qu’on nous fait, un bonheur, une récompense, et surtout, une responsabilité. On fait un travail et on est jugé à travers la créativité, la qualité et notre cuisine qui doit se renouveler à chaque saison, en rapport avec la nature.

30 ans dans le même restaurant, ce n’est pas lassant ?

Non, je me régale chaque jour comme si c’était le premier. J’ai tout vécu ici quand l’Arpège s’appelait encore l’Archestrate à la fin des années 70. J’ai appris à faire la cuisine dans ces murs avec Alain Senderens, c’est pas rien. J’y étais commis à 14 ans, et je reste très attaché à cet endroit où j’ai des racines.

Pourquoi n'ouvrez-vous pas d’autres restaurants à Paris ou à l'étranger ?

Parce que je me plais chez moi, j’aime ma maison, je n’ai pas envie d’aller dans un autre endroit, c’est un problème de confort, un choix de vie. Je ne ressens pas le besoin de voir mon nom sur des restaurants à Singapour, New York ou Dubaï. Je préfère mettre les mains dans la casserole pendant 9h par jour.

Heureux que la mode Vegan et la bio attitude s'imposent enfin ?

Je suis surtout content que voir que les jeunes chefs prennent enfin conscience que la nature a tout écrit. Certains investissent même comme moi dans un potager. On a tous fait fausse route, moi le premier, en perdant le sens des saisonnalités car tous les produits étaient sur le marché. C’est plus possible de voir des tomates, des fraises, du melon ou des cerises aux traitements très appuyés à Noël. En respectant les saisons, on fait une cuisine beaucoup plus juste et on évite la routine.

La nature a déjà tout écrit ».

Alain Passard

On sent que vous auriez pu être paysan ou agriculteur…

Je le suis un peu avec mes jardins. Je possède plus de dix hectares et la production de nos potagers dépasse les cinquante tonnes de légumes, tous produits confondus. Nos jardiniers nous avertissent lors de la fin de cycle d’un légume, c’est comme ça que je peux réinventer mon menu. 

Vous vendez vos légumes aux clients du restaurant ?

Oui, les clients sont très en demande sur nos paniers qui commencent à 35 € et vont jusqu’à 60 €. Il y a tous les poids, et 800 abonnées les commandent à tout de rôle. Je dois trouver plusieurs hectares de terrain car on a du mal à fournir tout le monde.

Comment transmetre votre savoir-faire aux jeunes chefs ?

Il n’y a rien sans travail. Il faut être derrière les fourneaux tout le temps et je leur tiens la main. C’est ce qu’ont compris mes élèves comme Pascal Barbot de l’Astrance, David Toutain, Mauro Colagreco ou Bertrand Grébaut de chez Septime qui sont tous installés chez eux aujourd’hui avec le même esprit qu’à l’Arpège.

Pourquoi souhaiter bonne table plutôt que bon appétit ?

Bon appétit ne se dit pas dans les codes du savoir-vivre, et on est dans la créativité. Les gens sont sensibles et le vocabulaire est très important. Dans un restaurant, c’est essentiel d’avoir des phrases bien à soi. Ici, pas de numéro, chaque table porte le nom d’un plante et ou d’une fleur.

Comment trouvez-vous le temps de faire de la musique, de la peinture et de la sculpture entre deux recettes ?

Parce que je ne suis pas toujours entre deux avions à courir à droite, à gauche. Je ne bouge de ma cuisine que pour aller dans mes jardins.

Qu’allez-vous exposer au Palais des Beaux-Arts de Lille ?

Tout ce que je fais ! Je suis très sensible à cette sollicitation car à travers moi, c’est la cuisine française qui est mise en avant. Je montrerai des objets, mes collages et j’ai invité pas mal de copains artistes.

Faire du parachutisme le week-end vous aide-t-il à gérer le stress en cuisine ?

Ça remet les choses en place de voir la Terre d’en haut et j’ai pas le temps de penser au service. Je pense plutôt à la place que je dois tenir dans la formation aérienne à ce moment-là, c’est vital.

Alain Passard poularde au foin La poularde au foin est l'un des plats phare du chef pour lequel les gourmets viennent de loin. © Dos Santos Lemone 
Alain Passard tarte bouquet de roses A l'Arpège, la tarte bouquet de roses composée de pommes est l'apothéose de toute dégustation. © Bernhard Winkelmann

Alain Passard en dates

Le 4 août 1956, le petit Alain vient au monde à La Guerche-de-Bretagne. A 14 ans, il part faire ses armes chez les chefs Michel Kerever et Gérard Boyer. C’est en 1982 que le plus jeune chef de France obtient 2 étoiles au guide Michelin. L’année 1986 fait de lui un chef patron, et le voilà qui rachète le restaurant de son parrain en cuisine, Alain Senderens. C’est là qu’il créé son Poulet au Foin et la Jardinière Arlequin. Dix plus tard, c’est la récompense suprême lorsqu’il décroche son 3e macaron. En 2001, le chef lance la mode Vegan en supprimant la viande rouge de sa carte, puis achète un jardin potager dans la Sarthe pour se fournir en légumes. Depuis, ses confrères l'imitent à tour de bras, pour le plus grand plaisir des clients !

Alain Passard panier En direct de ses potagers sarthois, le chef vend aussi des paniers de légumes bio au fil des récoltes. © S. Delpech
Alain Passard salle Cosy et confortable, la salle du restaurant l'Arpège met en évidence les assiettes qui font l'essentiel du spectacle. © S. Delpech

L'Arpège, tout un univers de gourmandise !

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