Le chef Marc Veyrat est un peu plus près des 3 étoiles à La Maison des Bois...
Face au Mont-Blanc, le chef au chapeau transforme sa ferme familiale en hôtel restaurant éco-biologique. Entretien avec Marc Veyrat, le chef de file de la cuisine minérale, botanique et pastorale.
Votre cuisine a-t-elle inspiré les cuisiniers d'aujourd'hui ?
Certainement, je suis fier d’avoir formé une génération de chefs comme Emmanuel Renaut, David Toutain, Yoann Conte et Jean Sulpice, tout en les sensibilisant à l’environnement et aux plantes.
Le Guide Michelin est-il indispensable pour un Chef ?
C’est la référence absolue, comme le guide Gault&Millau, d’ailleurs. Pour un chef qui débute, c’est vital ! Il faut qu’il se fasse connaître des guides, qu’il fasse du lobbying, qu’il se montre et qu’il mérite les étoiles qui lui amèneront des clients.
Les grands restaurants doivent-ils baisser leurs tarifs ?
Non, c’est impossible, c’est un problème politique. Moi qui suis un Radical de Gauche, je vous affirme que nos établissements ont des prix de revient et de très lourdes charges, à cause des 35 heures. Si Madame Aubry avait su qu’il faut 24h pour faire un pot-au-feu, on n’en serait pas là. On a un métier à part pour lequel il faudrait un système différent. Divisez nos charges par 2 et on pourra y penser, bien entendu, mais on est, hélas, le pays le plus imposé d’Europe. Les 3 étoiles Michelin, c’est zéro centime de bénéfice à la fin de l’année, j’ai 25 couverts et 35 employés, comment je fais ? Si ça continue, on devra même augmenter les prix…
Les chefs doivent démocratiser les produits de qualité ».
Marc Veyrat
La cuisine française est-elle encore la meilleure ?
Non, et c’est un discours que je n’apprécie pas ! On a une Italie forte, une Espagne forte, une ville de New York très forte où il y a de nombreux chefs français qui font à manger merveilleusement. Mais puisqu’on a les meilleurs produits du monde, les cuisiniers français doivent faire une chaine humaine pour donner à la cuisine populaire ce qu’elle mérite. C’est à dire démocratiser les meilleurs produits tout en gardant la qualité et la saisonnalité.
Qui a le plus contribué à notre cuisine moderne ?
La cuisine nouvelle de Christian Millau et de Henri Gault a ouvert les portes de la nouveauté. L’esprit, c’était d’ôter l’excès de graisse ou de faire des sauces liquides. Sauf qu’aujourd’hui, on a fait du jusqu’auboutisme, et avec parfois rien dans l’assiette.
Que pensez vous des labels bio ?
Il en existe plusieurs, assez fiables, entre AB, Bio Cohérence, Demeter, Nature & Progrès, Ensemble, Fairtrade ou Bio Partenaire. J’aime aussi le réseau Amap qui met en lien direct les paysans et les consommateurs. Par contre, j’en veux beaucoup à Bruxelles qui autorise 5 % d’ingrédients inconnus et parfois cancérogènes dans ces labels.
Que vous inspire le concept de naturalité en cuisine ?
Rien, c’est du bluff, et ça ne me parle pas ! On ne peut pas créer de la naturalité à Paris. Aucun rapport entre nature et naturalité. C’est un bon coup marketing, du bluff, du cirque ! Côté nature, il faut venir avec nous en montagne, à 5h du matin, pour la trouver.
Quel est votre vin préféré ?
La Mondeuse ! Michel Grisard, un vigneron indépendant de Savoie, à Fréterive, est pour moi le pape du vignoble français. Il respecte la nature et travaille depuis 40 ans en biodynamie. Un autre gars formidable, c’est Dominique Belluard, à Ayse. Il exploite le plus ancien vignoble alpin avec le cépage Gringet qui donne aux vins de son domaine une véritable identité. Mon chef sommelier, Romain Marlet, sert environ 35 % de vins bios au restaurant. Le reste se répartit entre les cépages Roussanne de Savoie et les crus de la vallée du Rhône.
Pourquoi être revenu aux sources de votre enfance ?
J’ai enfin bouclé la boucle, à 67 ans. C’est là que j’ai toujours vécu, et il me fallait terminer ici.
Etes-vous prisonnier de votre chapeau ?
Non, pas du tout ! Je vis avec tout le temps, il fait partie intégrante de ma vie. Je le porte depuis l’âge de 15 ans, mais le seul problème, c’est qu’il faut que je le quitte pour dormir…
Marc Veyrat, ses dates clés
Né le 8 mai 1950, à Annecy, Marc Veyrat passe sa jeunesse dans la ferme familiale, au sommet du col de la Croix Fry. Le jeune savoyard apprend les bases du métier dans l’auberge de ses parents et c'est en 1978 qu’il se lance dans l’aventure en ouvrant une première affaire avec sa sœur, à Manigod. En 1985, il ouvre l’Eridan, à Annecy-le-Vieux, où il commence à gagner ses étoiles avant la consécration ultime du guide Michelin, en 1995. Il tente une nouvelle aventure, en 1999, avec l’ouverture de La Ferme de Mon Père, à Megève, couronnée aussi de 3 étoiles. Le chef se voit décerner la note de 20/20 au guide Gault&Millau, en 2003. Marc Veyrat est victime d’un grave accident de ski en 2006. En septembre 2013, ce militant des produits du terroir crée la Maison des Bois, à Manigod, un Relais & Châteaux classé 5 étoiles. Le lieu subit un incendie en 2015 avant de rouvrir, en juillet 2016, sous le signe de la cuisine traditionnelle identitaire, pastorale et de recevoir 2 macarons au guide Michelin, en février 2017.
Ses projets
En avril 2017, le chef savoyard ouvrira le Café Rural, au sein du Palais des Congrès de Paris. Un tout nouveau concept de restaurant où il retranscrira sa cuisine des montagnes, à prix sages.
Le voyage aromatique, chez Marc Veyrat.
La Maison des Bois, chemin rural de Manigod, au Col de la Croix Fry, 74230 Manigod. Menus : 295 € et 395 €. Chambres face à la chaîne des Aravis, à partir de 350 €. Tél. : 04 50 60 00 00 et www.marcveyrat.fr
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